Grain de sel n°17 : La fille de Phorcys

Anthony Dallot, élève de Terminale A, propose à la lecture de ceux qui passeront par ce blog le petit exercice de réécriture suivant, à partir de la nouvelle de Borgès intitulée La Demeure d’Astérion:

La fille de Phorcys

Les dieux m’accusent d’être hautaine, pleine d’orgueil et d’arrogance. Ces accusations ridicules, fruits de leur propre jalousie, m’ont coûté ma beauté et ma liberté. Depuis, je ne sors plus de ma caverne où j’y suis à l’abri des regards et des jugements. Pénètre chez moi qui le souhaite. Dans ma grotte où l’ombre règne, il ne trouvera aucune richesse ni d’inutile beauté féminine mais le calme, l’isolement et la paix. Il trouvera également un magnifique spectacle naturel, une gigantesque fourmilière de pierre endormie dans l’obscurité de la terre. À la tombée du soir, il m’est arrivé de sortir au village, je suis bien vite rentrée à cause de la peur et la souffrance que j’inspirais au gens normaux et banals, eux et leurs regards sans profondeur, leurs chevelures ordinaires. Ils s’immobilisent, pétrifiés de peur à la simple rencontre de mon regard. On me voit comme un monstre, pourtant, je ne veux de mal à personne.

Moi et mes sœurs, nous sommes uniques, je le vois bien. Les choses communes et les détails mineurs n’intéressent pas ma conscience. Ils me sont tous semblables. Une seule chose compte pour moi, un changement dans mon existence solitaire et monotone. Les nuits sont parfois insupportables.

Bien qu’il ne manque pas de distractions dans cette immense galerie souterraine, comme explorer toutes les cavités sculptées par mon aïeule Gaïa. Autrefois, mes sœurs me rendaient visite, Euryalé (celle qui voit loin) et Sthéno (la puissante). Nous nous amusions avec des jeux que nous faisions ensemble avant la malédiction. Mes sœurs sont les seules qui me ressemblent, qui ne me fuient pas. Nous discutions sans arrêt, nous faisions des jeux de mots, et nous rions toutes de bon cœur.

Le reste du temps je médite dans ma demeure, dans le calme et la tranquillité. Tous les endroits de cet amas de galeries se répètent indéfiniment, je suis condamnée à vivre le même jour éternellement. Rien n’est diffèrent dans cette demeure. Quand je me risque dehors, rien ne change, les temples, les habitations, les gens, la mer, se répètent également, tous, exceptée la fille de Phorcys.

Il arrive que d’autres pénètrent dans mon abîme, j’entends leurs pas et leurs respiration au fond des tunnels de pierres, et je glisse gaiement à leur rencontre, mais ils se glacent, se paralysent sans même que je les touche. Ils restent immobiles où ils sont, éternellement. Leurs corps inertes servent d’édifices dans ma demeure monotone.

Je ne perds pas l’espoir de rencontrer mon libérateur. Ainsi, la solitude ne me fait pas souffrir. Celui qui me délivrera de cette grotte je l’espère, me conduira dans un lieu moins morose. Je me demande comment il sera, un serpent ou un homme? Aura t-il des crocs ?

Un jour, le rédempteur vint. Les rayons du crépuscule resplendissaient sur le miroir d’Athéna où l’éclaboussure de sang noir avait déjà disparu. Persée offrit à la déesse de la guerre, la tête de Méduse.

Anthony DALLOT

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