Grain de riz n°66: L’assaut de la salle 101

Un petit groupe d’élèves de 5ème travaillait paisiblement salle 101, lorsque le professeur d’une autre classe, suivi de ses élèves, frappa à la porte: il prétendait lui aussi avoir cours dans la salle 101. Nous nous sommes emparés de cette situation pour en faire le sujet de la rédaction collective qui suit:

L’assaut de la salle 101

Autrefois, il y a très longtemps de cela, il y avait un vaste royaume infesté par des animaux sauvages, des serpents venimeux, des loups féroces, des tigres rusés et agressifs, et même des bandits qui prétendaient être chevaliers. On construisit donc un château pour se défendre.

Ce n’était pas un château en pierre, il était fait de briques, car ils étaient pauvres mais c’étaient d’habiles constructeurs.

Comme dans la chanson La Princesse et le Troubadour, le château était « entouré par les créneaux et la forêt ».

Ses murailles étaient plus hautes que les arbres, si hautes que, de loin, on aurait dit le Mont Everest. De larges douves remplies d’une eau sombre empêchaient les ennemis de rentrer. Seul un immense pont-levis permettait d’y pénétrer.

Avant qu’il ne soit construit, il n’y avait là qu’une petite mare, à côté de laquelle un pêcheur avait l’habitude de venir se délasser. Mais au bout d’un moment, alors qu’il attendait que le poisson morde à l’hameçon, il se rendit compte qu’il était lui-même une proie : un moustique l’attaquait ! Il fabriqua donc, pour se protéger, une petite guérite avec quelques joncs et un peu de boue.

Cependant les moustiques insistaient et persistaient… agacé, il refit sa guérite avec des briques. Mais cela ne suffit pas, un nouveau moustique entra : il construisit alors un mur plus épais. Encore un moustique : il suréleva le mur, qui devint une véritable muraille.

Enfin, comme les moustiques continuaient à le harceler, il bâtit un immense château, que l’on appelle encore aujourd’hui le Château de la Marguerite, en souvenir de la petite mare d’autrefois et de la petite guérite de boue que le pêcheur avait faite, avant que l’on n’invente la moustiquaire.

Les villageois venus le rejoindre étaient maintenant de paisibles châtelains qui vivaient là tranquillement. Au milieu du château, les jardiniers arrosaient tous les jours une pelouse qui brillait comme l’émeraude sous le soleil, des enfants jouaient à se battre avec des épées de bois, et le roi (le pêcheur qui n’aimait pas les moustiques) dormait souvent sous son chêne au lieu de rendre la justice comme Saint-Louis, car en ce temps-là il n’y avait jamais aucun vol, aucun crime, ni le moindre bruit.

« A l’aide ! A l’aide, cria soudain un garde. Il y a une troupe de chevaliers à l’horizon ! Ils nous déclarent la guerre !

– D’abord on dit pas « à l’aide », mais « alerte ! »… Et puis tu ne sais pas de quoi tu parles : Si ces chevaliers sont à l’horizon, comment sais-tu qu’ils nous déclarent la guerre ? Écoute, c’est midi, laisse nous faire la sieste…

– Ils brandissent des drapeaux rouge sang ! C’est une horde armée d’épées, de lances et de hallebardes, d’arcs aux flèches enflammées ! »

Inquiet, le roi grimpa aux murailles pour en avoir le cœur net. Des milliers de chevaliers féroces étaient en train de franchir le pont-levis.

A leur tête, le chef des ennemis, juché sur un superbe destrier à la robe ténébreuse et brillante comme de la soie, majestueux et puissant, criait aux occupants du château de se rendre. C’était le Seigneur de Vui-Nhà-Mêt, un chevalier cruel et intraitable. Il était coiffé d’un heaume cornu, ses yeux semblaient vous transpercer, sa bouche grande ouverte montrait deux rangées de dents irrégulièrement réparties. On aurait dit la gueule de Scylla « pleine de noire mort ».

Dehors, des chevaux efflanqués, aux côtes saillantes, les yeux rouges comme s’ils n’avaient rien mangé depuis une semaine, piaffaient, se cabraient, et certains même, poussés par les autres, s’enfonçaient dans les douves en hennissant.

« Roi Pêcheur, je vous déclare la guerre, lança le Seigneur de Vui-Nhà-Mêt ! Vous êtes ici chez moi ! Crois-tu vraiment, Roi Pêcheur, que voler ma mare et manger mes poissons n’aura aucune conséquence ? Si vous persistez, ce sera une bataille sans merci !»

Tout le monde paniquait, criait et courait dans tous les sens, les hommes cherchaient partout où ils avaient bien pu ranger leurs armes, les femmes emportaient leurs petits enfants en pleurs : c’était un bazar ahurissant.

Les châtelains se ruèrent alors vers la petite porte du donjon… ils se précipitèrent dans un petit escalier en colimaçon, se bousculant les uns les autres sans aucun souci des préséances. Les dames et les seigneurs espéraient trouver là-haut un refuge. C’était un escalier très long, on y respirait mal et on n’y voyait rien… A un moment on entendit aboyer… « Qu’est-ce qui se passe ? demanda le seigneur Thanh Liem, on dirait qu’un chien est parmi nous ! – A qui est ce chien ? demanda le seigneur Minh Phuc – C’est moi qui ai aboyé répliqua le seigneur Chi Khang – Mais tais-toi donc, fit le seigneur Tho Nguyen, on va se faire repérer par nos ennemis ! – Ne restons pas là, chuchota Dame Khanh Van, on doit monter plus haut. – Mais allumez la lumière, enfin ! hurla le Seigneur Jonas – Où est l’interrupteur ? s’enquit Dame To Uyen – Mais ça n’existe pas, remarqua judicieusement Dame Thao Nguyen, on n’est pas au XXème siècle. – T’es sûre ? – Oui, je te jure ! – Pourtant j’ai bien vu un interrupteur en bas – ça existe alors ? – Quelqu’un peut descendre pour vérifier ?… Alors, quelqu’un se décide ?… Il n’y a vraiment personne ? – Hum… Bon… D’accord, je veux bien me dévouer, je vais descendre. – Non, inutile, le danger nous presse, il faut monter ! – Mais non ! – Pourquoi ? – Parce que ! – Parce que quoi ? – Parce que c’est comme ça ! – Tant pis, j’y vais tout seul ! – Où ça ? – Là-haut ! – Aïe, mon pied ! – Qu’est-ce qu’il y a ? – Mon pied ! – Ouille ! – Pousse-toi ! – Pousse-toi, toi ! … »

Enfin, après avoir grimpé tout l’escalier, qui avait plus de mille marches, ils parvinrent au seuil de la salle 101, suants, soufflant et pestant.

C’était une salle secrète. Il y faisait noir comme dans un cercueil. L’une des dames avait verrouillé la porte. Ils éteignirent aussitôt leurs téléphones. Puis ils bloquèrent l’entrée avec les tables et chacun trouva un endroit où se cacher. « Où est Seigneur Tho Nguyen? – Je sais pas… – Je crois que l’ai vu allongé au sol – Il était blessé ? – Mais non, il dormait comme un cochon, à l’avant-dernier palier ! – Il dormait comme un quoi ? – Comme un cochon qui dort. – En français, on dit plutôt dormir comme un loir (autrement dit glis glis)… – Mais alors, pourquoi ne l’as-tu pas réveillé, cet animal ? – Hé ! Taisez-vous, les ennemis arrivent ! cria Dame Si Young. – Mais qui êtes-vous, que faites vous ici ? lui demanda Dame Thao Nguyen. – Je suis la servante de ce château et j’étais cachée là depuis le début ! – Chut, taisez-vous ! Ils sont là… » chuchota un seigneur. Chacun courut se cacher, qui dans l’armoire, qui sous la table, qui grimpant au vidéo-projecteur… euh non, je veux dire au lustre, et les autres se collaient au mur comme des lézards. Mais soudain quelqu’un demanda :

« Je peux aller aux toilettes? »

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